Je n'éprouvais aucune affection particulière envers le Havre des Brumes en temps ordinaire. Alors, devoir le parcourir à pied en plein cœur de l'hiver, cela avait vraiment de quoi refroidir mon ardeur. Au sens propre comme au figuré ! Les rafales glaciales n'avaient de cesse de rabattra le capuchon de ma vieille pelisse élimée, offrant mon splendide visage au vent mordant de cette soirée naissante. En grognant, je dissimulai ma tête encore une fois sous la protection de la fourrure avant de souffler sur mes mains dans l'espoir vain de les réchauffer. Puis, je les glissai à l'intérieur de mes poches pour les y conserver à l'abri du froid, continuant vaille que vaille mon chemin à travers le blizzard. Si la quête me menant dans ce maudit royaume n'avait eu autant d'intérêt pour ma divine personne, je serais encore en train de savourer les plaisirs fantasques du Pays des Merveilles. Chaque interaction là-bas avait de quoi te renverser l’esprit et ce n'était pas là, qu'une manière de m'exprimer. Un état de fait appuyé de toute évidence, par les substances psychotropes offertes par la flore locale. Je m'y divertissais toujours intensément, surtout en arpentant les terres souterraines de l'Underland ! Si vous considérez Wonderland comme saugrenu ou même extravagant alors, attendez de connaitre le Pays du Dessous ... tous vous paraîtra insipide en comparaison. Comme cette Forêt Enchantée pour ne citer que cela en exemple.
Je poursuivais mon chemin avec une certaine lenteur, peinant à me déplacer parmi les congères façonnées par la tempête. La tête baissée afin de soustraire mon visage aux bourrasques de vent charriant ces satanés flocons de neige. À cause du blizzard ma vision était restreinte et je faillis m'engager sur la mauvaise route en manquant la bifurcation. Fort heureusement, je pris conscience de mon erreur au tout dernier moment, ce qui me permit d'emprunter l'itinéraire recommandé par le forgeron du village que j'avais traversé l'avant-veille. Mon estomac décida de se manifester à cette simple évocation rappelant le dernier repas digne de ce nom que j'avais consommé durant les jours précédents. Je n'aspirais qu'à me régaler d'une soupe au lard qui me tiendrais au corps pour le reste de la nuit. Moi qui étais la déité de l'astre solaire ne désirait qu'un grossier potage. Ah ça ! Ils devaient bien se gausser de ma personne en Olympe. Égaré dans mes pensées, je n'avais pas remarqué avoir franchi la distance me séparant de l'auberge que je savais dans les parages. Ce n'est qu’après m'être cogné le pied contre la pierre de l'une des marches que l'information parvint à mon esprit. Je l’accueillis avec plaisir, mon exécrable humeur dissipée par les promesses tacites de l'établissement. Je poussais la porte d'un geste brusque et me hâtais d'en franchir le seuil, un soupir de contentement s’échappant de mes lèvres gercées en réaction à la douce chaleur des lieux. Éreinté, je m'écroulais à la première table disponible sans même discerner la présence de l'homme y étant déjà installé.
“Le bonheur est à porter de main. Il ne suffit que de volonté pour pouvoir l'atteindre.”
Magnus & Phébus
Alors que Magnus était déjà bien attablé depuis maintenant une bonne heure, il n’avait commandé qu’une simple bière depuis son arrivée. Il faut dire que, par le temps qu’il faisait dehors, il prenait tout son temps en ce moment pour pouvoir bien se réchauffer. Il regardait distraitement les gens qui était déjà établi dans l’auberge et qui bavardaient les uns avec les autres. De nouveaux arrivants faisaient parfois leurs entrées, mais Magnus était plutôt plongé dans ses pensées.
Cela faisait bien quelques semaines maintenant qu’il ne s’était pas arrêté dans un endroit aussi chaleureux. Voyageant partout dans le pays, il en avait vu des établissements. Il avait rencontré beaucoup d’habitants sur sa route. Certains amicaux, d’autres beaucoup moins. Il n’avait eu aucun problème à se défendre en cas de besoin, mais il préférait tout de même passer inaperçu. Enfin, on commençait à le connaître un peu puisqu’il offrait ses services à ceux qui en avaient besoin, mais il se faisait tout de même discret lorsqu’il arrivait pour la première fois dans une ville. C’était toujours mieux ainsi.
Se faisant sortir de ses pensées brusquement, il porta son regard sur le jeune homme qui venait de s’écrouler sur le banc en face du sien. Pendant un instant, il haussa les sourcils. Il ne se souvenait pas avoir eu rendez-vous avec qui que ce soit ce soir. Bien que le plus jeune était séduisant, Magnus ne s’attendait pas à ce que quelqu’un se joigne à lui. Il le regarda attentivement, portant sa chope à ses lèvres.
Le blondinet devait sûrement venir de dehors au vu de ses joues rouges et de son accoutrement. Il avait encore des flocons de neige sur son manteau qui s’éparpiller pratiquement partout sur la table. Une chance que Magnus n’avait pas encore commandé quelque chose à manger. Il n’aurait vraisemblablement pas été content que toute cette neige se retrouve sur son repas.
Se contentant de hausser les épaules brièvement, il eut un sourire en coin derrière son verre. Peut-être pourrait-il avoir de la compagnie ce soir. Il n’en avait pas eu l’intention au début, mais pourquoi passer devant une telle chance. Ne sait-on jamais... Et puis, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu de compagnon aussi charmant que lui.
- Vous m’avez l’air épuisé, jeune homme... Un verre vous fera peut-être du bien...
Il fit un signe au serveur d’apporter une nouvelle bière, espérant de cette manière à inciter le jeune homme à rester avec lui. Il eut même une idée merveilleuse...
- J’allais me prendre un copieux repas. Peut-être me feriez-vous l’honneur de m’accompagner ?