Un après-midi très gourmand feat Libre

Piètre cuisinière sous cette identité comme sous l'autre, Fiona contemplait avec désespoir la tambouille trônant piteusement dans le plat qu'elle venait tout juste de tirer de son four électrique. En ôtant ses gants de cuisine un léger soupir s’échappa d'entre ses lèvres puis, elle les déposa sur le plan de travail de son petit appartement. À la lecture de la recette, cela lui avait semblé d'une simplicité enfantine. Il en avait été tout autrement ! Avec nostalgie, elle songea une fois encore aux bons petits plats préparés par les domestiques du Château Comyn tout en ouvrant le couvercle de la poubelle afin d'y jeter ce désastre culinaire. Elle était capable pourtant de préparer quelques petits plats simples en sauces ou même du pain mais dès qu'elle souhaitait un peu s'échapper de son quotidien alimentaire, les plats terminaient en règle générale directement aux ordures. Après avoir mis le plat à tremper au fond de levier, la rousse attrapa un châle traînant négligemment sur le dossier d'une chaise avant de gagner la porte d'entrer. Là, elle se saisit de sa besace de cuir ainsi que du trousseau de clefs accroché au mur puis, quitta son domicile sans l'ombre d'un regret.  

Poussant la porte du Granny's Dinner une quinze de minutes plus tard, Fiona en franchit le seuil avec un état d'esprit plus apaisé. Il y avait déjà beaucoup de personnes attablées à l’intérieur de l'établissement et seule une place restait au comptoir occupé par une poignée d'hommes. Il y a quelques mois encore, son alter ego s'y serait installé naturellement mais, l'éducation et les convenances tenebrannes ne lui autorisaient pas ce genre de liberté. Balayant la salle du regard à la recherche d'une connaissance à laquelle, elle pourrait éventuellement se joindre pour se restaurer, la rousse finit par remarquer une jeune femme, unique occupante de l'un des quelques box. Que risquait-elle à lui demander à partager sa table hormis une fin de non-recevoir ! Elle commanderait à emporter dans le pire des scénarios. Décidée, Fiona s'approcha de sa destination d'un pas vif, retirant le châle qui drapait ses épaules afin de le glisser sur son avant-bras durant le court trajet les séparant. Il faisait chaud à l'intérieur du Dinner et elle était bien contente de s'être vêtue d'une longue robe verte au tissu léger ce matin.

- Bonjour ! Je suis navrée de vous importuner mais, la salle étant pleine, j'aimerais savoir si vous accepteriez ma compagnie à votre table ? Demanda-t-elle poliment à la jeune femme, lui offrant un sourire franc au passage !

Qui ne tentait rien n'obtenait rien ! L'adage se confirmait une fois encore puisque Fiona venait de se voir offrir une place à l’intérieur du box. Elle se déchargea de son châle ainsi que de sa besace en cuir, avant de se glisser avec grâce sur la banquette rouge du Granny's.

- Merci ! Vous êtes bien aimable.

Répondit-elle la demoiselle qui avait accepté de partager sa table. Fiona farfouilla à l'intérieur de sa besace afin d'en extirper la boîte contenant sa paire de lunettes. Qu'elle plaça dans la foulée au niveau de son visage. Il y avait quelques avantages à vivre sur cette terre à la technologie avancée ! L’ophtalmologie faisait partie de ces derniers. Les lunettes qu'elle possédait actuellement étaient beaucoup plus pratique que la paire de binocles en bois de manufacture tenebranne. Il lui faudrait en faire tout un stock avant que ne sonne l'heure du départ ... Enfin ! S'ils parvenaient un jour à découvrir un moyen de rentrer à la maison. La rousse se saisit de la carte plastifiée du Dinner qu'elle parcourut en diagonale. Les plats proposés ici ne variant pas d'un iota depuis qu'elle fréquentait l'endroit, son choix fut donc rapidement fait. Reposant la carte sur le vieux formica usé, elle décida de faire la conversation à sa voisine de table le temps que la serveuse vienne prendre sa commande.

- Vos professeurs vous ont déjà surchargé de travail ? S'enquit-elle en coulant son regard en direction du carnet sur lequel, la jeune femme écrivait ses lignes. A moins que cela ne soit un travail personnel peut-être !

Fiona s'accorda quelques petites secondes afin de détailler discrètement la demoiselle lui faisant face lors de ce déjeuner. Bien que Storybrooke ne fût qu'une petite municipalité, la Mac Rodas n'en connaissait pas tous ses habitants. Surtout depuis que de nouveaux arrivants venaient de s'y installer récemment. Et puisque les traits de ce visage juvénile ne trouvaient nuls échos au niveau de sa mémoire, elle ajouta à la suite de ses paroles précédentes :

- Vous devez faire partie de l'une de ses familles fraîchement installées en ville n'est ce pas. Je me prénomme Isobel Kincaid.

Malgré les nombreux souvenirs factices d'Isobel en sa mémoire, Fiona ne pouvait s’empêcher d'éprouver ce petit sentiment de plaisir, lorsqu'une femme se trouvait être capable de coucher plus de quatre mots à la suite sur ce qu'il nommait ici papier. La société tenebranne était une société principalement orale ainsi que patriarcale, bien rare était donc les femmes à pouvoir se targuer d'être instruite en ce domaine-là. Même les hommes d'ailleurs ne goûtaient que peu l'érudition. C'était là surtout, l’apanage des moines Cristoforo et des Coridom des grandes familles Comyn. Tout cela pour en venir au fait, qu'elle était impressionnée par les rêves d'avenir de la jeune Vandervelde.

- Encantada Sélène. Répondit-elle tout en serrant délicatement la main tendue en retour. C'est un bien beau projet que voilà. Cela ne sera pas toujours simple mais, si vous vous accrochez à votre rêve rien ne devrait être impossible à surmonter. Vous aimeriez plutôt être écrivain ou bien journaliste ?

Se renseigna-t-elle non par politesse mais, avec un réel intérêt pour la réponse. Profitant de la présence de la serveuse, Fiona passa commande pour son déjeuner. Affamée et gourmande, elle s'était décidée pour une généreuse portion des célèbres lasagnes de Granny avec comme accompagnement, une petite salade verte. Sans oublier le verre de ce rouge fruité dont elle raffolait tant. Il fallait bien avouer que depuis le retour de la magie en ville, la jeune femme ne se souciait plus de son tour de taille. C'était là, l'un des avantages d'user de pouvoirs psychiques puisque ses derniers brûlaient de l'énergie et donc par extension, beaucoup de calories. Les mannequins de ce monde tueraient sans nul doute père et mère si cela pouvait leur permettre de posséder la moindre once de Laran. Replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille à l'aide de sa main gauche, la Mac Rodas provoqua un léger cliquetis de son imposant bracelet en cuivre finement ouvragé et gravé aux armoiries familiales lorsqu'elle reposa le bras au niveau de la table.

- Bonjour Gwene. Tu n'as pas l'air d'être dans ton assiette, dure soirée au travail ? S'enquit la rousse tandis qu'elle se levait de la banquette, afin de permettre à la propriétaire du Rabbit Hole de farfouiller en dessous. Qu'as-tu perdu, je peux t'offrir mon aide dans tes recherches si tu le désir.

Triste réalité vraiment. Ah, si seulement cette jeune demoiselle avait pleinement conscience de l'identité réelle de chacun des habitants qu'elle côtoyait à présent dans cette petite ville du Maine, certainement qu'elle tiens-la un tout autre discours. La Mac Rodas n'aspirait plus qu'à une existence paisible. Une vie quotidienne dont la plupart des rêveurs ne parvenaient à en apprécier les innombrables saveurs. Ce dont elle-même avait finalement pris conscience qu'à la suite de toutes ses aventures et les nombreuses pertes en ayant résulté.

- Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. La réalité est bien loin de n'être que triste ou même morne. Il faut savoir simplement regarder dans la bonne direction. La plupart des informations journalistiques se concentrent uniquement sur des sujets négatifs pourtant, il y a également de belles découvertes ou de jolies rencontres à faire à travers le monde. En sommes, vous pouvez tout aussi bien voyager et écrire sur les beautés des pays que vous visiterez, comme vous pouvez laisser libre cours à l'imagination fertile de votre esprit.

La Mac Rodas patienta debout sans manifester le moindre signe d'impatience envers Gwene dont l'esprit, semblait être focalisé sur l'objet égaré. Si elle tenait tout particulièrement à celui-ci alors, cela pouvait aisément se comprendre. Par chance, Sélène parvint à mettre la main assez rapidement sur ce dernier. Fiona put reprendre place sur la banquette de cuir rouge tandis que la pièce passa d'une personne à une autre, retrouvant sa légitime propriétaire. Elle leva ensuite une main, chassant les excuses lui étant adressée d'un petit geste de celle-ci.

- Il n'y a rien de grave voyons. Cela nous est déjà arrivé au moins une fois à tous de ne pas prêter attention au monde qui nous entoure. L'important est que tu es récupéré ton bien. Tu ne t'es pas fait trop mal j'espère ? Fiona accorda aux deux autres femmes le temps nécessaire aux présentations avant de poursuivre en désignant la place libre en face d'elle. Souhaites-tu te joindre à nous pour déjeuner ? Enfin, si cela ne vous gêne pas de partager votre table encore une fois Sélène.