- My once upon a time -
Vous savez je ne suis pas surprise, car vous n'êtes pas la première personne à vouloir apprendre à me connaître ainsi. Bon nombre de fervents admirateurs ont cherché à le faire par le passé. Bon nombre d'ennemis aussi. Aussi je m'interroge : dans quel camp dois-je vous classer ? Car il faut dire que désormais, les candidats ne manquent pas et je n'en suis pas mécontente car j'y vois-là une certaine forme de convoitise qui attise les jalousies dans tout le royaume. La juste reconnaissance pour les sacrifices effectués.
Il faut dire que j'ai su faire parler de moi, n'est-ce pas ? Bien plus que lorsque j'étais simplement la femme du roi Léopold, encore étouffée par son règne de médiocrité et notre mariage arrangé dépourvu d'amour. Evidemment, il y eut quelques avantages à s'asseoir à ses côtés sur le trône, je ne peux le nier. Ce fut-là une vie des plus aisées et des plus respectables bien qu'elle ne fit aucunement mon bonheur. Prisonnière d'un roi vivant dans le passé, d'une belle-fille à la tête passablement vide et d'une intraitable mère au cœur de pierre, mon existence n'avait rien de réconfortant. A vrai dire, c'était une période assez fastidieuse, bien qu'elle eût été programmée depuis longtemps. Non pas pour servir mes intérêts mais ceux de ma mère, Cora. De toute façon, il a toujours été question de cela, depuis autant que je m'en souvienne...
Il était une fois dans la Forêt enchantée, une fille de meunier qui n'aspirait qu'à une chose : être respectée, et devenir quelqu'un. Ce qu'elle finit par avoir en épousant le Prince Henry, mon père. Ses méthodes pour y parvenir étaient néanmoins tout sauf honnêtes et acceptables et ce furent-là, des notions qu'elle m'enseigna bien malgré elle durant toute mon enfance. Car contrairement à ce que l'on pouvait penser, elle ne fut pas des plus agréables, même si je ne manquais de rien comparé à d'autres. Et ceci, je le dois principalement à cette femme qui s'est évertuée à m'insuffler une éducation des plus rudes et des plus sévères. Réprimandée par la magie le plus souvent pour que je me plie à ses exigences, il n'y avait qu'auprès de mon père que je pouvais trouver une once de compréhension. Mon père et Daniel. Mon véritable amour. Celui que l'on m'a enlevé il y a maintenant bien des années.
Mais puisqu'il s'agit de s'aventurer sur ce sombre pan de mon histoire, j'aime autant vous prévenir qu'il ne sera pas question de le mentionner lors de nos rencontres futures et que cela risque fort de bousculer cet idéal que vous avez si injustement placé en la personne de Blanche-Neige. Remerciez-là comme il se doit car c'est bien par sa faute, que cette malédiction vous a toutes et tous engloutis. Si cette petite pimbêche avait su tenir sa langue, les choses auraient assurément été différentes. Il faut croire que la perfidie ne connait pas de lois car du haut de ses neuf ans, cette petite peste a su défaire mon bonheur minutieusement, de la façon la plus vile qui soit : en œuvrant pour orchestrer la mort de Daniel. Oh, elle a bien-sûr toujours affirmé qu'elle ne l'avait pas fait intentionnellement, mais lorsque l'on choisit de révéler un secret, cela n'est jamais sans conséquences. Jamais, je ne pourrai effacer cette image terrible du cœur de Daniel, battant une dernière fois dans la main de ma très chère mère. Jamais je ne pourrai oublier son regard posé sur moi, implorant et aimant à la fois. Jamais je ne pourrai m'acquitter de la douleur que j'ai éprouvé lorsqu'il ne resta plus qu'un filet de cendres, dispersées sur le sol de l'étable comme de vulgaires grains de poussières et que son corps inerte, n'aurait plus jamais l'occasion de m'étreindre. Sa peau était si froide désormais et ses pupilles sombres contempleraient les étoiles...à tout jamais.
Une confidence brisée et un cœur en deuil. Ceci n'était pas synonyme d'entraves dans le vaste projet de Cora, qui n'avait vu en Daniel, qu'un obstacle pour m'octroyer une place sur le trône Royal. Ainsi, il fut convenu que j'épouserai le roi Léopold -devenu veuf après le décès de la Reine Eva- dans les plus brefs délais, et contre mon gré. Quelle ironie d'être ainsi liée à celle qui m'avait trahie. Le destin voulu alors que je devienne la nouvelle belle-mère de cette petite écervelée trop bavarde, Blanche-Neige. Par charité, je conservais la terrible vérité pour la préserver....elle, cette enfant trop gâtée. Mais cette trêve n'était que temporaire, et sans doute aurait-il mieux fallu qu'elle profita davantage de ce répit car l'avenir que je lui réservais était bien loin d'être si confortable et agréable.
Car il faut dire que les choses avaient changé et la vie nous réserve parfois de bien vilains tours. Soucieuse d'éviter toute ressemblance ou comparaison avec ma mère, je tentais du mieux que je pu de m'écarter de sa route. Mais force était de constater que bien des similitudes commençaient à se dessiner, et bien que ce ne fut pas ce que j'eus désiré en premier lieu, je finis par emprunter le même chemin. Timidement, je marchais sur le sentier de la Magie avec comme professeur, le célèbre et craint Rumplestiltskin aussi appelé Le Ténébreux.
La Magie est une chose complexe et ardue, qui nécessite une mobilisation entière de ses facultés. Je l'appris le plus souvent à mes dépends et sans ménagement. Le Ténébreux était un formateur exigeant et de nombreuses concessions personnelles furent nécessaires pour progresser dans mon parcours semé d’embûches. Tout d'abord, je décidais de me libérer de l'emprise de Cora en la bannissant au-travers du miroir, dans une contrée lointaine appelée "Pays des merveilles". L'esprit est si faible, si perméable aux tentations...Je ne suis pas certaine d'avoir clairement mesuré la portée de mon geste à l'époque mais le fait est que par lui, je venais pour la première fois d'ouvrir une part de mon cœur aux ténèbres. Et celui ou celle qui emprunte cette voie ne saurait s'en défaire si facilement. Mon professeur y veillait.
Quoiqu'il en fut, ma route désormais imprégnée de noirceur ne s'arrêta pas là car forte de ces nouvelles expériences, je commençais doucement à entrevoir enfin une issue heureuse à mon existence. Cet éclat de victoire en appelait d'autres et je fus heureuse de constater l'étendue des bienfaits que cela me procurait. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, comme on dit....le rat de bibliothèque qu'à dégoté le Ténébreux, n'aurait pas dit mieux ! Et puisque l'on parle de bonheur, il était plus que temps de mettre fin à celui de la petite princesse royale. Elle avait fait son temps et puisque ma silhouette raffinée épousait maintenant parfaitement le trône, les choses allaient assurément changer...
Tout d'abord, il fallait asseoir mon autorité et faire en sorte de recevoir toute la distinction que j'étais en droit de mériter. Malheureusement, cela voulait dire m'affranchir de cette ombre larmoyante incarnée par le roi Léopold, qui ne m'accordait guère plus d'attention qu'au dernier des mécréant séjournant dans les tavernes de son royaume. Quelle humiliation, pour la Reine que j'étais ! D'une part, ce n'était guère-là l'image d'éminence que je voulais renvoyer à mes sujets. Et puis, j'avais le moyen d'entamer le bonheur de Blanche, ce dont je ne pouvais me priver. Par un habile stratagème, le roi finit par rendre son dernier soupir après une longue agonie face au venin mortel de la vipère d'Agrabah. La pauvre petite en fut anéantie, ce qui me remplit de joie. Plus encore, j'en avais fait une orpheline ce qui faisait prendre un nouveau tournant à notre Royaume qui désormais devrait s'agenouiller devant Regina,
la Méchante Reine. J'aurai pu m’arrêter là, vous avez raison. Mais si j'avais été nourrie par ce bref triomphe, mon désir de vengeance n'était toutefois pas totalement assouvi. Les représailles envers le petit flocon de Neige ne faisaient que commencer et je m'étais mise à croire que sa tête serait du plus bel effet au-dessus de ma royale cheminée. De cette constatation découla plusieurs années de traque et Blanche-Neige en était réduite à errer dans la forêt, comme une proie dont le portrait primé ornait chaque recoin de la contrée. Elle n'avait plus rien désormais, et la couronne n'avait jamais été aussi bien mise en valeur que sur ma tête. Mais il y avait une ombre au tableau, un aspect que j'avais négligé car j'en étais privée de puis longtemps : il s'agit de l'amour, et de l'amitié. Des liens forts dont la peste a su se munir malgré son errance et qui finalement eurent raison de ma place et malheureusement, de moi. Une fois encore, elle m'avait pris tout ce que j'avais et une fois encore, je comptais bien lui rendre la monnaie de sa pièce au centuple. La tuer ne suffirait plus, non. Mon projet était maintenant de détruire l'intégralité de son bonheur, de la faire souffrir lentement, de lui faire perdre un par un tout ceux qu'elle aime pour qu'elle puisse dignement savourer le goût de la solitude et d'un cœur blessé. C'est d'ailleurs la promesse que je lui fit, le jour de ses noces avec son nouveau prince charmant ignorant.
Car si on m'avait repris le royaume, en revanche, on ne m'avait as privé de mes alliés et j'avais un nouvel objectif. Un bel objectif, minutieusement préparé avec l'aide de mon ancien mentor. Celui-ci prit du temps mais pour parvenir à mes fins, j'étais prête à ne rien négliger et à donner toute l'attention et la patience qui étaient nécessaires. J'avais échoué une fois et il était inconcevable que cela se reproduise.
Blanche-Neige eut un mariage heureux mais cela ne fut que de courte durée. Mon sort noir était fin prêt : j'allais enfin lui retirer toutes ses possessions, tout ses proches et tout ce qui faisait d'elle ce symbole exaspérant d'espoir que mes sujets avaient vu en elle. Car tout aussi héroïne qu'elle était, elle était totalement démunie et ne pourrait se soustraire à ma vengeance. Ni elle, ni ses sept nabots, ni son charmant et ni même la morveuse qu'elle venait d'avoir. J'avais soigneusement écrit leurs avenirs à tous, et lorsque le dernier sacrifice fut fait, je pus contempler avec triomphe l'étendue pourpre qui se déversait dans chaque recoin de ces terres.
Le sort n'épargna personne, même les plus insignifiants furent piégés. Ils oublieraient tout ce qu'ils avaient connu, jusqu'à leur identité propre et ce qui a toujours fait d'eux ce qu'ils étaient. Leurs souvenirs seraient aussi sûrement effacés que j'allais me réapproprier leurs vies. Et c'est ce qui se passa. Comme je l'avais prévu. Ma fin heureuse était là et je la savourais pleinement.
Bienvenue à Storybrooke, j'espère que vous vous plairez parmi nous. Regina Mills, Maire de cette ville : enchantée de faire votre connaissance et je vous présente mon fils, Henry Mills. Nous n'avons pas l'habitude de voir de nouvelles têtes car il faut dire que notre petite ville est un endroit très tranquille. C'est sans doute ce qui fait son charme...on me dit toujours qu'il y règne ici comme un sentiment d'authenticité et j'aime à croire qu'il s'agit-là du cachet indéniable qui plane sur ces rues chargées d'histoire. Oui, vous avez raison, c'est une belle journée...
Une belle journée, comme elles le sont toutes depuis vingt-huit ans. Le sort noir avait fonctionné, et exactement comme je l'avais souhaité : chacun des habitants de cette ville était à ma merci, et je régnais sur ce territoire excentré du monde comme cela devait me revenir de droit. Dans ce monde, je n'avais pas besoin de couronne mais j'avais tout ce que j'avais toujours souhaité, surtout depuis que j'avais adopté Henry qui sut combler le vide qui s'était installé dans mon cœur. Pourtant, des failles s'étaient installées sans que je m'en aperçoive. Ou du moins, sans que j'accepte qu'elles puissent exister. Car Henry était le fils biologique de celle qui deviendrait "La Sauveuse"...autrement dit, l'avorton de Blanche-Neige et du prince charmant qui avait réussi à échapper à ma magie. Je le savais et pourtant, en dépit de cela, j'avais tout de même choisi de lui donner tout l'amour dont j'étais capable, bien qu'il ne semblait pas le recevoir comme je l'avais imaginé. Je voulais ce qu'il y avait de meilleur pour lui, et je m'efforçais de le lui montrer chaque jour mais Henry demeurait insensible à mes efforts et restait persuadé que j'étais une mauvaise personne. Une peine dont je m’accommodais difficilement et qui connu son apogée lorsqu'il partit à la recherche de la fameuse Emma Swan, et qu'il ramena cette Sauveuse avec lui à Storybrooke.
La femme qui l'avait abandonné se tenait bien là, devant moi et comment se pouvait-il qu'Henry puisse éprouver autant de bienveillance à son égard ? Qu'avait-elle de plus, que je ne possédais pas ? Ne lui avais-je pas donné tout ce que j'avais ? Ne l'avais-je pas aimé comme il le fallait ? J'ai essayé de la faire partir, croyez-le bien, j'ai essayé de toutes mes forces. Mais ce qui devait arriver...arriva et le destin me joua l'un de ses autres tours cruel. La Sauveuse, par un baiser d'amour véritable, brisa le sortilège et montra à Henry toute l'étendue de ses sentiments envers lui. Les gens recouvrèrent la mémoire, le temps reprit son cours et moi je...je n'eus plus qu'à prendre la fuite. Et c'est ce que je fais encore désormais.
Je vous ai raconté tout ceci c'est vrai, mais maintenant que vous en savez autant, vous vous doutez bien que je ne peux pas laisser les choses en leur état actuel. Prendre le risque de vous voir répéter ces confidences ne peut être envisagé. C'est pourquoi désormais, je vais sans doute devoir vous tuer. Ou vous arracher le cœur pour agrandir ma collection de marionnettes. Peut-être que le feu peut être une excellente option également, mais c'est peut-être légèrement plus douloureux. Enfin...puisque votre existence doit prendre fin, j'imagine que je peux au moins vous laisser le choix quant à la manière de prendre votre vie. Si vous avez une dernière volonté à me soumettre, le moment est bien choisi...